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e père-fondateur Félix Houphouet Boigny ne croyait pas si bien dire : ‘’ le succès de la Côte d’Ivoire repose sur l’agriculture’’. Si le cacao a fait et continue de contribuer à la croissance du pays, la banane plantain ne le fait pas moins vivre.  Et ce ne sont pas les amateurs du célèbre plat ‘’ alloco’’ qui diront le contraire. Ancrée dans les habitudes alimentaires, elle est devenue au fil des années une culture de diversification à forte valeur économique.

Premier pays producteur de cacao dans le monde, la Côte d’Ivoire produit à elle seule près de la moitié de la production mondiale. Dans le processus d’installation des vergers cacaoyères, les acteurs de cette spéculation ont recours la plupart du temps à une autre culture : la banane plantain. Cette spéculation loin d’être un concurrent sérieux de la cacao culture, sert de culture de diversification ou de substitution avant l’apparition des premières cabosses.  « La culture de la banane plantain est d’abord un moyen de diversification des sources de revenus des producteurs de cacao ou des autres producteurs de culture de rentes », a affirmé Alex Kouassi Yao agroéconomiste et conseiller technique au sein de l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (Giz) à Abidjan.  Denrée alimentaire de première nécessité, cette culture est très prisée par les consommateurs locaux. Pour Alex Kouassi, son écoulement est assez favorable sur le marché local voire même sous régional. Toutefois, fait-il savoir, quelques défis notamment structurants plombent l’essor de cette culture.


Les défis de la commercialisation


A en croire cet expert, la conservation post récolte de la banane plantain est la problématique majeure de cette filière. Une situation défavorable qui est amplifiée en période dite abondante. « Le marché de la banane existe. Cependant, la problématique de la conservation étant un sérieux challenge pour les producteurs, le prix du régime de la banane est mal négocié. Pour un régime de banane dont le poids varie entre 7 à 25  kilogramme, il est négocié pendant la bonne saison qui part d’octobre à avril entre 300 et 350 FCFA bord champ et entre 1000 à 1500 FCFA sur les surfaces commerciales. Par contre, les prix grimpent de 1000 voire 1500 FCFA  bord champ et entre 3000 à 7000 FCFA sur les marchés ou des grandes surfaces pendant la contre saison, c’est-à-dire celle qui part de mai à septembre », explique-t-il.
Le président des producteurs de banane plantain de Côte d’Ivoire, Moussa Badoh, semble avoir trouver une alternative louable pour endiguer cette situation. Propriétaire d’une plantation de 6 hectares de banane plantain exploitée exclusivement en contre saison à Akoupé, à 140 Km au nord d’Abidjan, il se frotte les mains à la récolte. A la réalité, contrairement aux producteurs des cultures dites de rente notamment le cacao qui font de la banane plantain une culture associée, Moussa, lui, a choisi d’en faire une culture principale. Il a planifié sa production pour bien la vendre. En effet, dès le mois de juin jusqu’à aoûtt de chaque année, il s’attèle à l’installation de son exploitation. Ainsi, à la même période de l’année suivante où les prix sont en progression sur le marché, il procède à la récolte de ses bananes. « J’ai un domaine de 6 hectares. Nous produisons en contre saison, c’est-à-dire en saisons des pluies où les prix de la banane sont plus élevés qu’en saisons sèches. Généralement, pendant que la banane abonde sur le marché entre le mois de septembre et début mars, ma plantation est en pleine production. Je ne vends donc pas en saison abondante. Passée cette période, nous entamons les récoltes au même moment. Je peux vous le dire les régimes de banane se font rares sur les marchés locaux comme sur les grandes surfaces et les prix grimpent », explique-t-il avec satisfaction. Si grâce à un registre agricole bien illustré, Moussa Badoh arrive à faire de bonnes affaires avec la culture de la banane plantain, ce n’est malheureusement pas le cas pour la grande majorité des agriculteurs du pays.


Quoique l’approche de cet agro entrepreneur soit louable et salutaire pour la grande majorité des paysans du pays, notre expert Alex Kouassi reste dubitatif quant à sa duplication sur l’ensemble du territoire national. Surtout, a-t-il insisté, « quand on sait qu’ à l’échelle de la Côte d’ivoire entière, il est assez difficile de trouver une centaine de producteurs de banane plantain spécialisés dans l’exploitation de contre saison. Cela est dû en partie aux énormes moyens et à la technicité que requiert ce type d’exploitation ». Mais d’autres solutions selon lui existent. C’est pourquoi et à juste titre d’ailleurs, il a apprécié l’initiative d’un autre producteur de banane plantain dans le pays.  Aman narcisse, face à la problématique de la conservation, par extension de sa commercialisation, en effet, a saisi l’opportunité de la transformation de cette denrée pour la fabrication de la farine pour enfant. « Aman Narcisse avait fait le choix de produire de la banane plantain. Cependant, rencontrant des difficultés pour vendre ses productions surtout en période abondante sur le marché où les bananes s’achètent à vil prix. Il a exploré le volet de la transformation. Aujourd’hui, grâce à sa détermination et à son engagement, il a réussi à mettre sur pied une farine pour bébé fait à base de banane », a-t-il expliqué avec émotion.

Des opportunités à défricher


Pour l’agroéconomiste de la Giz, les défis de commercialisation de la banane plantain sont un terreau fertile pour les producteurs. Dans le cadre d’un de leurs programmes CIV (centre d’innovation verte), a-t-il indiqué, des initiatives ont été entreprises par cette institution Allemande. L’une des stratégies les plus dynamiques, a-t-il préconisé, consiste à signer des conventions avec des partenaires commerciaux de sorte à ce qu’à chacune des récoltes, les productions des paysans ne soient pas bradées. Une autre alternative, a poursuivi le conseiller technique Alex Kouassi, pourrait être la vulgarisation des ateliers de commercialisation, laquelle se veut une plate-forme de concertation entre les différents acteurs de la chaine de valeur banane plantain. Ajouté à cela, il a exhorté les paysans à travailler de concert avec l’Office d’aide à la commercialisation des productions (Ocpv), un établissement public en charge de la diffusion d’informations relatives à l’offre et la demande des produits vivriers sur l’ensemble du territoire. Outre ces quelques pistes de solutions, la mise en place de conteneurs frigorifiés à travers le pays pourrait être un début de résolution de la problématique,  selon notre expert. Face aux défis de la commercialisation de la banane plantain, ces nombreuses opportunités ne demandent qu’â être explorées. L’Etat ivoirien, les paysans  ainsi que le secteur privé sont donc attendus pour les relever.

Avec Jean Eden Kouamé

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ECONOMIE

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