A six mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le climat socio-politique n’est pas rassurant. En effet, des leaders de l’opposition à savoir Laurent Gbagbo, ancien chef de l’Etat, président de PPA-CI, Charles Blé Goudé, président du Cojep, Guillaume Soro, ancien Premier ministre, et ex-président de l’Assemblée nationale, Président de GPS et Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA sont radiés de la liste électorale. Conséquence directe de leurs absences du fichier électoral, leurs absences à ce scrutin électoral en tant que candidats de leurs partis respectifs et la suspension de toutes leurs activités à la Commission électorale indépendante de leurs représentants à l’image du PPA-CI, du PDCI-RDA et du FPI, de Pascal Affi N’Guessan.
Mécontents, leurs militants et sympathisants menacent de manifester pour exiger la réinscription de leurs mentors sur la liste électorale et dire non à un potentiel quatrième mandat du chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Face à ce qui s’apparente à une crise pré-électorale, le Barreau de Côte d’Ivoire est monté au créneau pour promouvoir « La paix par le droit » par le biais d’une déclaration sur la situation pré-électorale en Côte d’Ivoire à l’approche des élections présidentielles d’octobre 2025. Le Bâtonnier Me Messan Tompieu Nicolas, qui a lu cette déclaration au nom du Conseil de l’ordre des avocats de Côte d’Ivoire, a reconnu que « cette triste et tragique histoire risque de se répéter », faisant allusion aux crises post-électorales de 2000, 2010 et 2020.De ce fait, il a insisté sur l’impérieuse nécessité de promouvoir la justice comme outil de dialogue, de réconciliation et de stabilité. Ci-dessous l’intégralité de la déclaration du Barreau de Côte d’Ivoire
"Le barreau de Côte d’Ivoire appelle à bâtir une paix durable par le respect du droit en cette période pré-électorale, à l’heure où la Côte d’Ivoire continue de consolider son tissu social et politique. Le barreau de Côte d’Ivoire réaffirme avec conviction que le Droit est le fondement incontournable d’une paix véritable et pérenne. Face au défi persistant de cohésion nationale, nous, avocats, garants des libertés et défenseurs de l’Etat de droit, portons l’impérieuse responsabilité de promouvoir la justice comme outil de dialogue, de réconciliation et de stabilité.
Depuis 1990, les processus électoraux successifs en particulier les élections présidentielles ont été marquées par la violence que ce soit avant, pendant ou après les scrutins. Il est important de se souvenir de la remise en cause de la nationalité de certains acteurs politiques, du rejet de la candidature de leaders politiques, du boycott actif de 1995, ainsi que de la violence qui a suivi la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2000, de la grave crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait au moins 3000 morts et de la violence après les élections présidentielles de 2020.
L’action et les décisions des instances administratives et judiciaires ont été fortement questionnées et certains revirements des acteurs concernés ont pu compromettre le respect effectif des règles légales à des moments décisifs de notre histoire. L’année 2025 est une année électorale avec l’élection prévue pour le 25 octobre 2025. Malheureusement, le Barreau de Côte d’Ivoire constate que cette triste et tragique histoire risque de se répéter. Le Barreau de Côte d’Ivoire observe en effet que l’établissement de liste électorale et l’organe chargé de l’organisation des élections sont l’objet de contestation et de polémique.
Le Barreau de Côte d’Ivoire constate des arrestations nocturnes de citoyens en violation des dispositions du code de procédure pénale de Côte d’Ivoire. Le Barreau de Côte d’Ivoire constate que le droit syndical aussi connu plus sur le nom de liberté syndicale, droit fondamental inscrit dans la Constitution qui permet aux membres des syndicats de mener diverses actions syndicales telles que des réunions, manifestations et grèves semble être menacé.
Le Barreau de Côte d’Ivoire constate que les acteurs politiques sont de retour devant les tribunaux en Côte d’Ivoire où les plaies du passé appellent encore à la vigilance. Le Droit doit servir de boussole, pour protéger les fondamentaux de tous les citoyens sans distinction d’origine, de religion, ou d’appartenance politique ; encadrer le débat public par des règles claires, empêchant la haine et la violence de s’installer dans l’espace médiatique ou politique ; faciliter la réconciliation à travers des mécanismes juridiques apaisés tels que la médiation, l’arbitrage ou le dialogue entre les acteurs politiques.
C’est pourquoi, le Barreau de Côte d’Ivoire réaffirme solennellement que l’indépendance de la justice est une condition sine qua non de l’Etat de droit, consacré par la Constitution et les conventions internationales. La déontologie des magistrats exige qu’ils agissent en toute neutralité et indépendance. La séparation des pouvoirs, principe républicain, fondamental doit être préservé. La justice ne doit pas être un théâtre d’ombre où se jouent des luttes de pouvoir, elle doit demeurer le rempart des libertés et le garant de l’égalité devant la loi. Les exigences de l’Etat de droit commandent que les règles soient appliquées avec rigueur et impartialité, la paix doit se faire par l’égalité de tous devant la loi et l’égale protection de tous par la loi."